l'innovation

Pourquoi les crises nous font avancer

L’Histoire l’a démontré plus d’une fois : d’une crise, même terrible, découlent toujours des innovations majeures. Tel un instinct de survie, l’innovation s’impose à nous face à l’adversité. Et si les crises servaient, finalement, à nous rendre plus intelligents

L’innovation, cette “destruction créatrice”  

Selon l’économiste hongrois Joseph Schumpeter, les crises sont des terreaux d’innovation. Pour lui, une innovation est un processus qui, en se produisant, rend immédiatement les technologies et produits existants obsolètes. C’est un cercle sans fin au sein duquel les nouvelles entreprises court-circuitent sans cesse les entreprises établies. 

Toujours selon Schumpeter, si les crises économiques peuvent être fatales, elles offrent toujours leurs lots d’opportunités. En étant au pied du mur, les entreprises n’ont d’autres choix, parfois, que d’innover, et remettre en question leurs positions acquises.

Ou, autrement dit par l’économiste : “L’innovation suppose la destruction de ce qui est pour reconstruire le futur sur de nouvelles bases.” C’est ce que Schumpeter nomme la “destruction créatrice”. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Histoire lui donne raison ! 

Dans les années 30 par exemple, la Grande Dépression a donné naissance à des produits devenus omniprésents aujourd’hui. McDonald’s, par exemple, est né en pleine dépression ! 

Même son de cloche pour l’économie du partage. Propulsé à la fin des années 2000, en pleine crise, ce phénomène aujourd’hui incontournable doit son origine à peu de choses. Une technologie est venue répondre à un besoin. Celui de consommateurs souhaitant arrondir leurs fins de mois en mettant à profit des ressources inutilisées. En quelques clics, les places de marché (type Airbnb) étaient nées.

Aujourd’hui, ce sont des plateformes telles que Zoom, Microsoft Teams, Netflix ou Alibaba qui ont connu une forte croissance et affirmé leur leadership grâce à la crise du covid-19. 

Crise et innovation, un lien inextricable

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Selon le Docteur en économie Marc Giget, la crise et l’innovation sont deux concepts intimement liés. Lorsqu’une innovation brutale arrive (comme le MP3 par exemple) et perturbe les marchés financiers, le PIB chute. Mais, dans le même temps, c’est aussi la crise qui crée la nécessité d’agir différemment, d’innover. Face à une crise, on innoverait donc “pour survivre à la crise d’abord, et pour la surmonter ensuite”, comme l’explique Marc Giget dans son analyse. 

Et le contexte actuel le prouve parfaitement ! À bien des niveaux, la crise du coronavirus a poussé les entreprises comme les gouvernements dans leurs derniers retranchements. En revanche, l’humain en est ressorti plus fort, et certainement plus créatif. 

Des progrès scientifiques

En 2020, c’est l’innovation scientifique qui a été, plus que tout, nécessaire. Elle a notamment permis d’élaborer de multiples vaccins en un temps record, d’établir des tests par millions, de fabriquer des masques en pleine pénurie… 

Sans nul doute, les technologies ont joué un rôle essentiel dans la prévention de la maladie, dans le suivi des malades mais aussi des cas contacts. 

Des innovations stratégiques

Du côté des entreprises, de nombreux business models ont été revus et adaptés, pour surmonter la crise et ses confinements. Nous pensons par exemple aux institutions culturelles, qui ont su se réinventer rapidement pour proposer, dès le premier confinement, des expériences immersives et gratuites au sein de leurs plus belles expositions. 

Le secteur du retail, quant à lui, a profité de la crise pour réinventer la relation client. Le recours aux chatbots a notamment explosé. Selon Keyrus, une société de conseil spécialisée dans la data, cette croissance devrait augmenter de 34% par an d’ici 2024. 

En Chine, les ventes via live streaming ont doublé en 2020 pour atteindre les 130 milliards d’euros

De la nécessité de suivre les nouveaux usages

Pour pouvoir transformer une contrainte en opportunité, les entreprises doivent, aujourd’hui, comme en 2008, prendre en compte le changement des usages. Un impératif, pour qui souhaite évoluer avec son époque et rester compétitif, dans un contexte macroéconomique difficile.

Dans le secteur de la restauration, par exemple, les habitudes d’aujourd’hui ne sont plus celles d’hier. En 2021, plus que jamais, il sera primordial, pour un restaurant, d’optimiser sa présence en ligne (avec un site internet et des réseaux sociaux à jour, un recours aux plateformes de livraison, etc). 

Selon une étude réalisée par TheFork portant sur les habitudes alimentaires en 2021, 64% des restaurateurs interrogés considèrent que les outils numériques (tels que le paiement sans contact ou l’utilisation de QR codes pour les menus) les ont aidés pendant la crise et 87% comptent continuer à les utiliser.

Si les ventes à emporter ont connu un boom pour des raisons évidentes, l’étude de The Fork fait aussi état d’un regain d’intérêt pour les questions d’éco-responsabilité. En effet, plus de 70% des personnes interrogées affirment faire attention à l’origine des produits qu’elles consomment (durable, bio…). Il importera donc, pour les restaurateurs, de porter une attention particulière à leurs fournisseurs et matières premières.

Le domaine du retail doit, lui aussi, faire des enjeux environnementaux sa priorité. Tout au long des derniers mois, les consommateurs ont manifesté leur soutien aux commerces de proximité et favorisé les circuits-courts. En effet, selon le bilan e-commerce 2020 réalisé par la Fevad, 25% des cyberacheteurs ont réalisé leurs achats sur le web auprès de leurs commerces de proximité.

Les distributeurs doivent donc repenser leurs modes de livraison et réduire leur empreinte carbone, s’ils veulent proposer des produits en phase avec leur époque.

Des pratiques écoresponsables renforcées

Si la crise actuelle a bien un seul mérite, c’est celui d’avoir conduit à une certaine prise de conscience écologique. 

Selon une étude menée par l’agence relevanC (filiale du groupe Casino) du 13 mars au 23 juin 2020, la consommation responsable est en plein boom ! 39% des Français ont, par exemple, acheté des produits qui rémunèrent mieux les producteurs lors du confinement, ce qui représente une hausse de +18% par rapport à 2019. Sur la même période, 23% des Français ont également consommé des produits en vrac, soit une hausse de 19% VS 2019. 

Le confinement a également popularisé la tendance de la seconde main. Ainsi, entre mars et juin, la plateforme Vinted a connu une hausse de + 377 % côté nouveaux membres. De son côté, le site de revente d’articles de mode Vestiaire collective a enregistré 120% de commandes en plus durant le premier confinement, et jusqu’à +144% au mois de juin.

En conclusion

Si elle peut être éprouvante, la crise que nous traversons actuellement nous permet de repousser nos limites. Le secteur de la distribution, par exemple, a dû, dans le contexte actuel, innover, en accélérant sa transformation digitale. 

Notre consommation s’en est également trouvée changée. Les pratiques écoresponsables ont été renforcées depuis la crise. Nos achats sont plus éclairés, parfois plus éthiques et engagés… La traçabilité des produits et leur impact environnemental n’ont jamais été aussi importants qu’aujourd’hui. 

Comme l’explique Jean-François Gomez, Senior Innovation & Business Development Manager chez Microsoft France :

Dans une société qui avait comme objectif obsessionnel de tuer le hasard par la technologie ou par la règlementation, cette crise a fait ressortir notre humanité, nous a amené à côtoyer la mort mais également à aller avec audace et curiosité sur des terrains inconnus”.

Par son caractère complètement imprévisible et inéluctable, l’année 2020 nous a fait ouvrir les yeux. Tirons des leçons des crises, car elles nous forcent à nous interroger sans cesse. Bonne nouvelle : c’est lorsqu’on sort de sa zone de confort que la magie peut opérer.